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l'éternité plus un jour
10 février 2006

L'audition du juge Burgaud

Comme beaucoup j'ai vu quelques passages de cette audition et lu le compte-rendu de la presse, notamment dans le Monde. Sa prestation conforte mes idées émises dans un précédent billet. Il existe des métiers dont l'autorité et la responsabilité qu'elles induisent, imposent l'acquis de l'expérience, non seulement du point de vue de la technique professionnelle, mais tout simplement s'agissant de la nature humaine et de la vie vécue.

Au delà de la prestation décevante de ce jeune homme devenu chétif au point qu'il suscitait presque la pitié, je veux exprimer deux réflexions sur la Commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau et l'attitude de celles et ceux qui ont la charge de l'animer, les députés. Par des décisions répêtées qui pouvant paraître bénignes et sans intérêts, ils ont, me semble-t-il, pris le risque d'altérer la qualité de leur travail.

Mal à l'aise du fait des critiques qui pleuvent sur eux, les politiques sont parfois prompts à renoncer. Ce fut ainsi la décision de procéder aux auditions à huis clos qui fut remise en cause très rapidement. Sans trop savoir pourquoi, sauf à considérer une concession malencontreuse à la pression médiatique, les politiques renoncaient aux arguments qui les avaient initialement conduits à opter pour un travail emprunt d'une certaine confidentialité. En changeant subrepticement d'avis, les membres de la Commission d'enquête ne se déconsidèraient-ils pas, accréditant eux-même l'idée qu'un travail à huis clos serait inévitablement sujet à caution? Rappelons tout de même que cette commission est composée de représentants de la majorité et de l'opposition, son Président étant issu de ce dernier camp. Cette configuration pluraliste pouvait suffire à assurer la légitimité des travaux et leurs conclusions. Aux yeux même des députés, cet élément n'aura pas été jugé suffisant. C'est donc pain béni pour les chaînes de télévision. Après avoir "manipulé" (dans le sens de manier, malaxer, triturer...) l'affaire d'Outreau au cours de l'instruction et des procès. Le pouvoir politique  leur amène sur un plateau "un nouveau spectacle" dont ils tirent le plus grand profit.

La seconde décision, selon moi, préjudiciable, fut l'accord donné au juge Burgaud de se présenter devant la Commission accompagné de deux avocats. Par l'image de cet attelage, avant même que l'audition ait lieu, la preuve était ainis faîte du caractère inquisitorial de la Commission. L'entrée en matière et les précautions oratoires de certains députés s'adressant au juge furent de ce point de vue manifestes. Ainsi, aux yeux de l'opinion, il devenait clair que le politique avait trouvé la victime expiatoire. On connait la propension de l'opinion publique à verser dans le compassionnel. Après avoir été choquée par le traitement infligé aux acquittés/victime d'Outreau, il n'était pas illusoire de penser qu'elle en vint à s'appitoyer sur le sort de ce petit juge, "un enfant" pour reprendre l'expression d'un député, livré ainsi aux foudres d'une poignée de parlementaires.

A cette seconde décision, c'est ajouté une autre maladresse. Celle consistant à traiter favorablement la demande des acquittés/victimes d'Outreau d'assister à l'audience du juge Burgaud. On peut comprendre que face à l'horreur qu'ils ont subi, toujours dans ce contexte compassionnel qui les entoure, il était difficile de leur refuser ce qu'ils demandaient comme une volonté mal cachée de provoquer ce petit juge qui les avait si mal traités. Néanmoins, l'ouverture de cette audition au public était acquise de la volonté même du juge. Il était donc concevable que les acquittés/victimes soient pris en compte dans le public sans qu'il soit nécessaire de mettre en scène leur présence, à quelques mêtres de celui qui avait cassé leur vie.

Ces changements de pied et ces décisions attives, prises sous l'émotion du sujet, renforcent la médiatisation débridée et débordante des travaux de la Commission d'enquête. On peut néanmoins penser le rythme du suivi journalistique devrait progressivement se réduire. Il n'empêche la focalisation des médias va renforcer encore davantage l'attente citoyenne en matière de réforme de la justice. Il reviendra au politique de ne pas décevoir cette attente. Si elles étaient déçues, ils en paieraient une fois de plus le prix fort. De leur fait, les membres de la Commission d'enquête ont placé la barre de l'exigence réformatrice très très haut.

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