Outreau, Les juges et les députés: la polémique s'installe

Dans un précédent billet, j'avais tenté de recenser ce qui selon moi, s'apparentait à des renoncements de la Commission d'enquête "chargée de rechercher les causes des dysfonctionnement de la justice dans l'affaire dite d'Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement", susceptibles de nuire à la sérenité de ses travaux et à la recevabilité de ses conclusions. Dans un autre billet, j'avais souhaité évoquer ce qui, je pense, pourrait s'apparenter d'une certaine manière à la marcescence du microcosme judiciaire.

Les rebondissements médiatiques qui se succèdent autour de cette commission confortent mon analyse. C'est d'abord l'attitude des responsables de la commission, notamment son Président, André Vallini et son Rapporteur, Philippe Houillon. Se répandant dans la presse, ils surajoutent à une surenchère médiatique avec de funestes justifications quant à l'exercice de leurs interrogatoires et le sens de leur travail. A vouloir ainsi s'expliquer, ils semblent donner prise à ceux qui voudraient, tel le Président de l'Assemblée nationale lui-même, leur faire endosser l'habit d'accusateur public.

L'autre fait marquant, c'est la levée en armes progressive des magistrats. Le Président de la commission parle de "la cripsation des magistrats". Désormais tous unis derrière le juge Burgaud dont l'attitude mièvre et pâle lors de son audition sert de bouclier à l'intouchabilité d'un corps, ils apparaissent plus prompts à défendre des prérogatives corporatistes au service de carrières professionnelles qu'à manifester leur bienveillance à un processus collectif visant à améliorer notre système judiciaire pour lui permettre de retrouver la confiance de nos compatriotes.

N.B.: Raymond Depardon donne une excellente interview à les inrockuptibles (n°533 du 15 au 21 février 2006). Raymond Depardon, c'est un oeil asséré, un regard singulier qui en fait un photographe reconnu. Il mélange avec talent parti pris artistique et travail documentaire. Dasn cet esprit, il a déjà "ausculté" le monde judiciaire avec deux films: Délits flagrants en 1994 et 10ème chambre instants d'audiences en 2004. Je cite un extrait de sa réponse à la question de savoir s'il a eu l'impression d'assister à un lynchage médiatique devant la diffusion de l'audition du juge Burgaud: "(...). Les magistrats se sentent trop souvent au-dessus des lois, vivent en huis clos. Le Conseil supérieur de la magistrature, dans un secret d'alcôve, contrôle leurs agissements, mais jamais en public. (...)"