Députés sous influences de Héléne Constanty et Vincent Nouzille, Fayard, 498 pages, 22€
Voilà une énième enquête que les démagogues de tout poil vont s'empresser de brandir en défense d'un antiparlementarisme qui soulage peut-être mais ne mène nul part. En mal de scoop, il est regrettable que l'Express se soit laissé aller à en faire sa une de manière si racoleuse, la semaine dernière. Après une lecture rapide, j'en tire deux remarques
Ce type de livre, lorsqu'il est bien lu, présente une certaine vertu. Derrière son côté provocateur et aguicheur, il offre au lecteur citoyen quelques vérités chiffrées sur le travail des députés qui ont valeur de contrôle. Il y a d'abord tout ceux qui sont cités au fil des pages. Pour la plupart,il s'agit de rendre compte de leur activisme qui doit être souvent porté à leur crédit. Forts des convictions qui leur appartiennent, ils ont déjà le mérite de faire quelque chose. Pour les autres, on se reportera avec délice à l'annexe qui nous propose une liste des cinquante députés les moins actifs, réunis dans la famille fantôme. Sans grande surprise, j'y ai retrouvé le député de ma circonscription. Cet homme est consternant de vacuité.
Quand la politique est avant tout l'art de la parole, a fortiori au Parlement qui est un lieu d'expression, comment peut-on accepter des représentants qui ne se sont pas exprimés une seule fois en séance publique ou qui n'ont même pas déposé un amendement sur un projet de loi à l'examen? Il n'est pas mauvais que ces choses soient dîtes au moment où ce beau monde s'apprête à rendre des comptes aux électeurs.
L'autre remarque a trait au titre même qui semble faire des députés des êtres soumis à la dépendance de forces supérieures, ce en quoi l'esprit public et les vertus de l'intérêt général en seraient bafoués. Le livre dégorge de sous-entendus sur les supposés effets du lobbying, dont les turpitudes sont telles qu'on ne saurait en donner une honnête traduction française. Des propos plein de vérités et de bon sens auxquels je souscris ont déjà été écrits ici. En réalité, ces insinuations, colportées grâce à certains comportements déviants aux marges de l'influence et des parts d'ombres inhérentes aux lieux de pouvoir, profitent d'une réalité que les auteurs n'ont pas eu l'honnêteté de reconnaître et de poser en postulat de leur travail.
Dans la masse compacte qu'ils composent, les 577 représentants du peuples doivent s'illustrer pour se démarquer les uns des autres. Peut-on vraiment leur en vouloir? Ils ont alors recours au principe de spécialité. Le livre ne manque pas d'exemple de ces députés qui ont décidé de s'investir, souvent avec compétence, sur tel ou tel sujet, l'un sur l'énergie, l'autre sur les entreprises, le troisième sur la filière viticole, etc...Devenant le référent en la matière, ils se dotent d'une certaine influence grâce à leur expertise. Les démagogues en profitent pour dénoncer cette crise de la représentation qui s'acoquinerait au mieux de ses intérêts et au mépris des citoyens. Ainsi, il est toujours facile de moquer ces députés qui désertent l'hémicycle au passage d'un texte qui ne réunit qu'une poignée de spécialistes de la question à l'ordre du jour. Car au delà de l'exigence existentielle, la spécialisation des députés est aussi quelque part un principe de réalité et d'efficacité. Face à la complexité des sujets débattus, à leur diversité et à la somme de travail que le suivi d'un projet de loi impose, il est vain de croire que sous prétexte qu'ils sont élus au suffrage universel et ne forment qu'un seul corps, celui de la représentation nationale, les députés aient tous les qualités requises pour faire la loi. Sachons faire confiance aux spécialistes.
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