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l'éternité plus un jour
6 novembre 2006

Quand la presse écrite (digne de ce nom) se meurt...

Dans le domaine de l'information culturelle, au niveau de l'élite qui se pique de vouloir élargir la consommation de bon goût des arts et lettres, l'émission le Masque et la Plume est une institution radiophonique indéboulonnable. Elle est dirigée par Jérôme Garcin qui règne également sur les pages "culture" endeuillées du Nouvel Observateur. Comme quoi les cumulards ne se trouvent pas qu'en politique.

Le Masque et la Plume est fondé sur la présence d'une brochette de critiques qui sévissent le plus souvent en presse écrite, dans leur domaine de prédilection, la littérature, le cinéma ou le théâtre. La qualité de chaque émission hebdomadaire leur doit beaucoup, et il en est de meilleurs que d'autres. Hier soir, on parlait théâtre. Pour l'occasion, Jérôme Garcin avait convié, pour la première fois, la critique d'un journal gratuit. De la part de Jérôme Garcin, pour ce qu'il représente et ce qu'il défend, une telle invitation est désolante en ce qu'elle accrédite un effet dégénérescent de notre vitalité démocratique.

Désolante car, on pouvait croire Jérôme Garcin sensible à la fabrication de l'information, au rôle de la corporation à laquelle il doit fièrement revendiquer l'appartenance comme au rôle civique de la presse dans le respect, autant que la défense, du pluralisme.

Révélatrice car la presse gratuite d'information générale s'est installée de manière fulgurante dans le paysage médiatique sans qu'on apprécie tous les effets pervers de cette déferlante qui relève plus du succès industriel que des vertus du pluralisme mentionné ci-dessus.

Or, depuis des années, notre pays subit la déliquescence de la presse écrite. Les titres se comptent sur les doigts d'une main. Leurs tirages sont devenus confidentiels. Pas plus tard qu'en ce moment, Libération s'installe dangereusement dans un état de survie à court terme. Concomitament, comme en guise de faire-part, des encarts publicitaires vantent de manière assez pathétique, les vertus de la presse quotidienne nationale. Un visuel gris et triste (comme si lire la presse vous mettez dans une bulle), assorti d'un texte désuet et maladroit, tente de nous convaincre de son rôle de boussole.

En même temps, la presse bénéficie d'un soutien public conséquent, encore amplifié récemment par le projet de loi de finances 2007. Les politiques vont chercher de la gloriole dans des dispositifs d'aides directes ou indirectes ; autant de mesures dérogatoires qui se multiplient depuis vingt ans sans pour autant faire barrage au délitement du secteur.

Dans ce contexte, plus que jamais propice à la réflexion et à l'innovation, on a laissé prospérer les journaux quotidiens d'information gratuits. Dans les grandes villes, l'invasion de ces nouveaux produits est impressionnante. Aux abords des bouches du métro parisien, il faut voir les quidams prendre d'assault les piles éventrées des deux grands titres de la place pendant qu'à moins de deux mètres un malheureux kiosquier, remachant son amertume, propose péniblement à la vente, dix exemplaires de Libération, quinze Figaro, deux La Croix et quatre l'Humanité. Ainsi, sans en avoir l'air, les entreprises de presse gratuite ont pris une place impressionnante qui relève moins du droit à l'information que du succès industriel.

Le cautionnement du Masque et la Plume est lourd de conséquence. Jérôme Garcin a-t-il bien mesuré sa responsabilité?

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Commentaires
P
Bonjour, vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère. Que le représentant d'un 'gratuit' participe à cette émission ne me choque pas; ces journaux font partie du paysage après tout, qu'on s'en réjouisse ou pas (je fais, comme vous, partie de la seconde catégorie).<br /> <br /> Ce qui me choque plus c'est l'age de pierre dans lequel le management de la presse écrite française se traine, le blocage de toute évolution de la distribution par la CGT (il y a dix foix plus de kiosques en Allemagne qu'en France...), l'absence de révolution industrielle qui fait que les journaux français sont chers et le nombrilisme parisien de certains journaux qui ne correspondent plus aux attentes des lecteurs français (il y a dix ans, j'adorais Libé, aujourd'hui je ne peux plus lire ce canard). <br /> <br /> Tout cela me choque effectivement, car l'investigation et la qualité d'analyse et de rédaction ne peuvent se trouver que dans les journaux payants. Malheureusement, peu de choses sont faites en interne pour qu'ils survivent. C'est plus facile d'évoquer les modifications socio-démographiques du pays ou la concurrence des industriels nordiques de Metro ou 20 minutes que de s'adapter comme l'ont fait quasiment tous les secteurs économiques confrontés à un nouvel environnement concurrentiel. Comme on dit 'la porte du changement s'ouvre de l'intérieur'. Cordialement,
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