A quoi sert France 24 ?

Qautre ans après que le Président de la République en est fait une "ardente obligation", la Chaîne Française d'information internationale (CFII) a ouvert son antenne aujourd'hui. Il est trop tôt pour polémiquer sur la qualité de son "language éditorial" même si un aperçu furtif peut laisser dubitatif sur son caractère novateur par rapport au flot d'images stéréotypées et au débit des commentaires aseptisés mis à disposition par les chaînes d'information qui existent déjà. Le défi est néanmoins lancé. Souhaitons donc bonne chance à l'équipe qui a décidé de le relever. Elle en aura besoin.

Car l'ambition de France 24, fixée par le Président de la République et précisée par le Ministre de la Culture et de la Communication est de "donner une voix au message respecté et attendu de la France dans un monde qui l'attend, comme le démontre chaque jour les succès de notre diplomatie." Il s'exprimait ainsi devant les députés il y a un an, alors que le projet de la Chaîne Française d'information internationale (CFII) commençait d'émerger des querelles de personnes, des concurrences institutionnelles et des problèmes financiers.

Clairement, France 24 devra rivaliser avec les chaînes anglosaxonnes et s'inspirer de la réussite fulgurante d'Al Jazira. La comparaison établie par ses promoteurs parait osée en ce que la stratégie française retenue à partir d'une nouvelle chaîne semble bien fragile au regard des enjeux géopolitiques et financiers qui font de l'image une arme d'influence politique et stratégique.

De fait, le projet français a eu du mal à voir le jour en raison du caractère aléatoire de sa rentabilité. A titre de comparaison, la chaîne CNN assure son financement avec la publicité qu'elle est capable de générer à partir de son audience aux Etats-Unis. Dès lors, elle peut sans contrainte budgétaire se développer dans le reste du monde, démultiplier ses programmes en différentes langues et d'installer des correspondants à l'étranger. France 24 ne peut pas dégager la même ressource publicitaire. En conséquence, sa création se rapproche des grands projet industriels quand l'économie n'était pas encore totalement soumise à la régulation du marché et qu'il était aisé, non sans succès, de conforter, sur fonds publics, le statut de grande puissance de la France. Ainsi, le budget de l'Etat est-il mis à contribution - 70 millions d'euros en 2007 (+7,7% par rapport à 2006) pour financer la Chaîne Française d'information internationale (CFII) tandis que le consortium public France Télévision était invité à un partenariat inédit avec TF1 pour en assurer la gestion.

Le deuxième élément de comparaison s'agissant d'Al Jazira pose également question sur l'intérêt d'une démarche purement hexagonale. Pour beaucoup de ses téléspectateurs, cette chaîne n'a pas de nationalité. Elle est la chaîne du monde arabe et si elle est installée au Qatar, c'est davantage le fait d'une opportunité plutôt qu'une volonté de ce petit Etat de faire étalage de sa culture et de ses valeurs. Al Jazira évoque le dépassement des Nations et des Etats pour fédérer, autour des images qu'elle diffuse, une communauté sans frontière.

Ces deux exemples, économique avec CNN et géopolitique avec Al Jazira, montre les limites de la Chaîne Française d'information internationale (CFII) avant même qu'elle soit véritablement lancée. On ne peut alors s'empêcher de trouver ce projet un peu trop orgueilleux quand des solutions alternatives, plus économes et toute aussi ambitieuse, à l'échelle de l'Europe et avec des chaînes qui existent déjà.

Euronews a été créée en 1993 par un plusieurs chaînes publiques de pays d'Europe de l'Ouest. Il y a notamment France Télévision pour la France, la RAI pour l'Italie ou la RTVE pour l'Espagne. TV5-Monde a été créé en 1983. Majoritairement détenue par des entreprises de l'audiovisuel plublic, elle s'est développée avec des partenaires étrangers en vue d'organiser une programmation francophone. Enfin, ARTE, la chaîne culturelle franco-allemande, constitue un autre outils de promotion de nos valeurs par l'image.

Fallait-il donc un "tuyau" supplémentaire, franco-français, spécifiquement dédié à l'information internationale,  pour "offrir une source d'information pluraliste sur l'actualité mondiale, avec une attention particulière sur l'Europe et sur la culture française"? Rien n'est moins sur.