Le choix de Jacques Chirac

La sortie du Conseil des ministres a été propice à deux clarifications. Le Président de la République a apporté son soutien à Nicolas Sarkozy dont le départ du Ministère de l'intérieur sera effectif lundi prochain. Loin de rompre un suspens insoutenable, ces annonces dévoilées dans la discrétion sont passées comme un non événement. Elles avaient été précédées d'une nouvelle plus inédite. Jacques Chirac qu'on a jamais connu grand prosateur, va prochainement sortir deux livres compilant ses discours. Par cette marque testamentaire censée révéler la hauteur de sa pensée sinon de son action, il espère non seulement marquer son temps mais également contribuer à relever le débat électoral du moment. Certainement imprégné de la même ambition que son prédécesseur qui au terme de sa charge, avait pareillement recueillis certaines de ses réflexions ultimes dans deux opus, il pousse la référence jusque se faire éditer par la même maison.

Mais ce qu'on retiendra dans l'immédiat du Président de la République est plus prosaïque. Jacques Chirac a déclaré que le premier tour de l'élection présidentielle pourrait, selon lui, amener quatre candidats aux alentours de 20% dans une hiérarchie tellement aléatoire qu'à défaut d'être souhaitables, toutes les configurations seraient possibles. De fait, même si elle est risquée, l'hypothèse du Président de la République est censée.  La configuration proposée par les sondages réunit déjà les trois principaux candidats dans une fourchette, entre 22 et 29% qui correspond à la marge d'erreur évoquée par les sondeurs pour interpréter leurs enquêtes. Par surcroît, si l'on s'en tient à son parcours en 2002 et au fait qu'il est structurellement toujours sous évalué, le quatrième homme peut connaître une belle progression dans les jours qui précéderont l'élection. En outre la campagne officielle en offrant une meilleure visibilité aux petits candidats peut contribuer à augmenter leur audience qui se fera au détriment des grands candidats. Arrivés au point culminant de leur courbe, ils seraient désormais contraints de partager leurs points. Une fois de plus l'élu du second tour conserverait les stigmates d'un candidat mal choisi au premier

Mais peut importe à Jacques Chirac une telle issue. Hormis le fait qu'elle le place davantage en spectateur qu'en acteur de la campagne, sa prédiction, si elle se réalisait, lui permettrait de sauver la face, lui qui n'a jamais dépassé les vingt points au premier tour des quatre élections présidentielles auxquelles il a participé. Au moins, son successeur n'aurait pas la possibilité de se prévaloir narquoisement d'un socle électoral meilleur que le sien. Ce serait déjà de ça gagner pour l'histoire.