Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
l'éternité plus un jour
12 mai 2007

Hubert Védrine au Quai d'Orsay

Voilà une bonne idée qui aurait de la gueule! Outre le symbole d'ouverture prônée par le nouveau Président de la République pour constituer son équipe gouvernementale, cette nomination aurait l'avantage de placer la bonne personne à la bonne place: une question de compétence qui trouverait en somme une réponse politique opportune. La chose n'est pas si courante qu'elle vaut d'être défendue. Trois raisons à cela:

Hubert Védrine possède une expérience à nulle autre pareille non seulement au niveau du job ministériel, mais plus encore dans la relation qu'un Ministre des Affaires Etrangères doit savoir entretenir avec le Président de la République. Nonobstant une formation initiale irréprochable de haut fonctionnaire, il le doit d'abord à une nature sobre et conciliante par laquelle il affecte un regard distant sur les combats politiques partisans. Il dispose également d'un vécu irremplaçable auprès de François Mitterrand et d'une cohabitation inédite avec son successeur en tant que chef de la diplomatie de 1997 à 2002. A l'évidence, cette expérience à double face doit lui permettre de composer avec les règles de préséance liées au domaine réservé de la politique étrangère, tout en respectant les exigences d'une fonction ministérielle conduite dans le cadre d'un accord de Gouvernement.

L'autre idée force qui plaide en faveur d'Hubert Védrine, c'est sa crédibilité sur les enjeux de la "gouvernance planétaire". Durant vingt cinq ans, en tant qu'observateur de seconde zone ou acteur de premier rang, il s'est doté d'une vision dépassionnée, lucide et claire d'un monde qui durant ce quart de siècle, aura vécu d'intenses turbulences - fin de la guerre froide, avènement du marché comme modèle économique, évanescence du projet fondateur européen, "clash des civilisations",...- et généré beaucoup d'inquiétude - mondialisation, terrorisme, menace nucléaire débridée,....Récemment encore, il a opportunément synthétisé sa façon de voir dans un petit précis extrêmement instructif - Continuer l'histoire - fayard - 150 pages. Il y donne à voir le monde tel qu'il est, débarrassé de tout postulat idéologique suranné ou d'un mysticisme dépassé, tel qu'encore récemment ils pouvaient conduire à un angélisme destructeur avec, notamment le fiasco américain en Irak.

"En définitive, au paroxysme de leur assurance et de leur zèle missionnaire, si les Occidentaux (environ un milliard d'hommes seulement sur six milliards et demi) refusent de voir depuis l'Olympe où ils pensent se situer, qu'ils ont perdu le monopole de l'Histoire du monde, ils vont rencontrer des difficultés croissantes à faire valoir leurs idées, et même à défendre leurs intérêts.

En revanche, s'ils adoptent une ligne à la fois réaliste et ferme, consistant à formuler leurs intérêts puis à les négocier au mieux au sein de l'ONU et dans toutes les autres organisations, avec les nouvelles puissances émergentes et l'ensemble des partenaires du système multilatéral (...), ils préserveront alors durablement leur influence (...)." p. 52-53.

Le troisième argument en faveur d'une nomination d'Hubert Védrine au Quai d'Orsay, c'est le gage d'un équilibre reconnu et assumé au sommet de l'Etat dans la conduite d'une politique étrangère, loin d'une rupture qui en la matière serait malvenue. Hubert Védrine défend un consensus gaullo-mitterrando-chiraquien avec comme principe une autonomie de décision pour la France. Dès lors que sa nomination serait conditionnée à un accord politique, un périmètre de la fonction et un délai pour sa mission, l'ancien collaborateur de François Mitterrand devrait pouvoir utilement contrebalancer les positions excessives, sinon maladroites, avancées par Nicolas Sarkozy au nom d'un penchant atlantiste et d'une approche unilatéraliste qui sous peine d'affecter l'influence de la France, doivent se maintenir dans des limites résolues et raisonnables. On pense bien sûr à l'appréhension du Proche-Orient, et notamment le conflit israélo-palestinien où, plus que jamais, se joue, pour partie, la stabilité du monde.

De fait, avec son expérience, sa notoriété au sein du microcosme diplomatique et sa vision construite des enjeux planétaires, Hubert Védrine pourrait avantageusement accompagner le Président de la République sur la voie d'une realpolitik: "Si les Européens ne sortent pas de leur ingénuité et les français de leurs chimères, ils subiront, de plus en plus, impuissants, la suite des événements." L'influence Française y trouverait certainement à renaître.

Par surcroît, face à cet impératif de réalité, Hubert Védrine et Nicolas Sarkozy peuvent se retrouver sur un thème qui aura défrayé la chronique de la campagne; le nationalisme. Sans employer le mot à l'interprétation grandiloquente, Hubert Védrine plaide ouvertement pour une réhabilitation des Etats. Face à cette mondialisation dont il ne cesse de rappeler qu'il s'agit "d'une dérégulation" avec sa part de désordre, il établit un constat lucide et sans concession des limites du multilatéralisme: "Ce n'est pas en continuant à affaiblir et à délégitimer les Etats qu'on améliorera la marche du monde." p.82. Une telle analyse fait écho au propos de campagne d'un Nicolas Sarkozy voulant réhabiliter la France. Les deux hommes sont également en phase sur la question de la repentance avec l'évocation du passé qui a, ces dernier temps, pris "un tour souvent masochiste".

Pas sûr que d'ici aux législatives, Hubert Védrine qui n'est pas Eric Besson, veuillent prendre sa part dans l'affaiblissement du Parti socialiste. Après, dès lors que les choses sérieuses du quinquennat commenceront, tout devient possible. Sa nomination au Quai d'Orsay aurait alors non seulement de la gueule et mais aussi du sens.

Publicité
Publicité
Commentaires
l'éternité plus un jour
Publicité
Archives
Publicité