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l'éternité plus un jour
20 mai 2007

La femme fatale de Raphaël Bacqué et Ariane Chemin, Albin MIchel, 227 pages, 18€

femmefataleAvoir été la première candidate à une élection présidentielle de la République française n'est pas rien au regard de la petite histoire politique nationale. Du même point de vue, être son compagnon n'est pas non plus négligeable, a fortiori lorsqu'on guignait la place. Dans l'échec de Ségolène Royal, il y a donc une double défaite personnelle dont l'amertume n'est pas forcément également répartie.

Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué sont deux journalistes talentueuses. La première est une magnifique conteuse quand la seconde s'impose comme l'une des premières "échotières" politiques. C'est avant tout pour ça qu'il faut lire leur livre plutôt que d'espérer y trouver des anecdotes truculentes afférentes à "une trahison conjugale". Elles s'accordent pour raconter la campagne croisée de Ségolène Royal et de François Hollande. En filigrane, on constate avec elles la déchéance d'un couple emporté dans une concurrence politique effrénée dont le moteur fait débat et donne effectivement prise à toutes les conjectures: "Comme si, dans une vision qui fleure bon ces clichés que Ségolène Royal abhorre, l'ambition de la candidate n'avait pu naître ailleurs que sur une peine de coeur".

Le livre vaut mieux que ces supputations douteuses car en politique, "il n'y a pas de place pour deux". Cet aphorisme de François Hollande ne saurait masquer sa naïveté. Après avoir fait jouer, pour son profit, le rôle de leurre à sa compagne tel que le rapportent Marie-Eve Malouine et Carl Meeus dans la Madone et le Culbuto, le Premier secrétaire du Parti socialiste n'aura rien pu faire. Il va suivre le mouvement imprimé par les sondages couplés à l'exigence impérieuse de victoire portée par des militants rendus crédules par le traumatisme du 21 avril 2002: "C'est incroyable, elle est en tête sur tous les fondamentaux d'une présidentielle: proximité, crédibilité, changement!" ne cesse de répèter, au printemps 2006, François Rebsamen, son futur co-directeur de campagne, à chaque président de fédération socialiste.

Le récit rétrospectif de sa campagne montre bien en quoi la montée en puissance irrépressible de Ségolène Royal dans l'opinion génére une dualité stérile entre le Parti socialiste et sa candidate. Au fond, malgré le vote imparable des adhérents, l'un n'a jamais accepté l'autre et l'autre s'est continuellement défiée de l'une. Au milieu, François Hollande tentera vainement de concilier les contraires tout en récriminant de s'être fait injustement piqué la vedette. Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué recensent les faux-pas, les contre-sens et les non-dits au sein du couple. Par l'exemple, elles démontrent l'indépendance stratégique qu'elle s'accorde ce qui l'oblige, lui, à composer perpétuellement pour paraître encore dans le coup. Le jeu des entourages est également démonté dans toute sa cruauté. Les ralliements comme les défections attestent de l'once de perversité qui opère au plus près d'une relation intime quand l'ambition - ou la vengeance? - devient plus forte que l'affection. Parmi d'autres, on accordera ici une mention spéciale à Julien Dray qui se "complait dans la conspiration". Son rôle touche parfois à l'ignoble en même temps qu'il révèle le malaise dans lequel sont placés les hiérarques du Parti devant cette rivalité conjugale. La célèbre pique de Laurent Fabius: "Qui va garder les enfants?" ou la mauvaise blague d'Arnaud Montebourg sur le compagnon/défaut de la candidate en furent les révélateurs exacerbés.

Finalement, le livre d'Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué révèle aussi la part "d'artificialité" qui compose l'ascension de Ségolène Royal ainsi que l'atypisme de sa démarche - "un femme insaisissable" - en regard de son compagnon - "un homme prévisible". Paradoxalement, elle est désormais à pied d'oeuvre pour remodeler la gauche et supplanter les éléphants. “J’ai engagé un profond renouvellement de la vie politique“ a-t-elle déclaré sans remord ni scrupule, le soir du 6 mai dernier. A l'heure où j'écris ces lignes, François Hollande fait campagne dans sa circonscription Corrézienne. Ségolène Royal se repose à Djerba. Au lendemain des législatives, il sera peut-être encore député, mais probablemement plus à la tête du Parti socialiste. Elle aimerait bien le remplacer. La Madone fera-t-elle définitivement tomber le culbuto? "En politique, il n'y a pas de place pour deux."

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