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l'éternité plus un jour
26 août 2007

L'Aube le soir ou la nuit de Yasmina Reza, Flammarion 190 pages, 18€

280807_143Grâce à Yasmina Reza ou à cause de Nicolas Sarkozy, la rentrée littéraire fait cause commune avec celle de la politique.

A grand renfort médiatique, la célèbre auteure - Art, forcément Art! - sort le livre qu'elle a tiré de sa présence au plus près de Nicolas Sarkozy durant la dernière campagne présidentielle. Réfutant la cause journalistique, Yasmina Reza, et surtout ceux qui ont autorité pour parler à sa place, ont bien pris soin d'annoncer une oeuvre littéraire. Avec 190 pages, elle est succincte et ne correspond pas au pavé qu'on pouvait être en droit d'attendre quand on connait le débit du héros et la force tragique, riche en rebondissement, d'une campagne électorale.

C'est donc par la concision du propos que Yasmina Réza veut séduire. Par bribes décousues et vaguement chronologiques, elle rapporte des anecdotes, des dialogues ou des situations centrés sur la personne du Président de la République qui n'était alors que candidat. On ne sait si ces épisodes ont été fébrilement sélectionnés. En tout cas, ils donnent une impression véridique des turbulences d'une course à la présidentielle qui brasse des sentiments mêlés aux extrêmes entre le rire et les larmes, où l'essentiel côtoie le futile pour fournir aux principaux protagonistes "des émotions, des vibrations, parfois même des exaltations".

Au milieu de ce tourbillon, l'agitateur en chef apparait de manière assez juste. Yasmina Reza a saisi un condensé enlevé et alerte d'une personnalité politique hors du commun. Et l'appréciation vaut dans les deux sens. L'homme peut monter ou descendre dans l'estime du lecteur, c'est selon. Humanisé à certains moments, présenté dans toute sa fatuité à d'autres, tout n'est pas flatteur dans le récit de Yasmina Reza. Son personnage possède bien des travers qu'elle ne cache pas, comme elle ne cache pas non plus l'empathie qu'elle lui accorde au fur et à mesure de la campagne. Elle est touchée, émue et séduite par cet homme qu'elle compare souvent à un enfant dont la jeunesse immature ne lui interdit rien. Il y a chez Nicolas Sarkozy de l'innocence et de la naïveté qui se mélange à une détermination décomplexée et calculée, servie par une action froide et maîtrisée en fonction d'un objectif clairement exprimé. C'est cet alliage qui détone chez lui et explique peut-être la fascination qu'ont peut lui accorder.

Par son récit vif et leste, Yasmina Reza stigmatise la vitesse. Il y a celle de la campagne, toujours en mouvement pour toucher et convaincre au maximum durant cette période. Il y a surtout celle de Nicolas Sarkozy, comme une seconde nature. L'immobilité ou l'inaction ne sont pas de son monde. Yasmina Reza le rend bien: "Je dis ce n'est jamais le présent qui vous intéresse, vous vivez en perpétuel devenir." Telle est d'ailleurs l'interrogation qu'elle laisse poindre lorsqu'elle partage avec lui, et d'autres, la scène de la place de la Concorde. De Nicolas Sarkozy, on sait tout de sa conquête du pouvoir ; reste désormais à venir l'action et les résultats. "A ce moment-là, j'ai pris conscience, même très modestement, pour le patron surtout, qu'il y avait une obligation de résultat, j'ai compris que la charge était énorme"

L'apport du livre de Yasmina Reza à la littérature est-il significatif? Au delà des critiques d'une saison littéraire, le temps saura le dire. En revanche, le rapport est palpable et c'est Nicolas Sarkozy qui empoche la mise d'un succès éditorial escompté. Nul doute qu'il scrute avec attention le chiffre quotidien des ventes. Ca le rassurera. Le livre de Yasmina Reza vient conforter son irrépressible volonté de marquer l'instant, le moment qui vient.

Assurément, le Président de la République lorsqu'il a décidé, il y a un an d'accéder à la demande de l'auteure de le suivre comme son ombre, avait en lui cette idée sous-jacente de sa présence à jamais suffisante dans le flot de la vie française, y compris par la défaite, pour assouvir son ambition d'être ou son désir de paraître. Pour l'expliquer Yasmina Reza fournit une belle définition "Ils jouent gros. C'est ce qui me touche. Ils jouent gros. Ils sont à la fois le joueur et la mise. Ils ont mis eux-mêmes sur le tapis. Ils ne jouent pas leur existence, mais, plus grave, l'idée qu'ils s'en sont faite."

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Commentaires
T
Merci pour ce billet bien agréable à lire comme souvent d'ailleurs.<br /> Pour ma part, je n'ai pas lu le livre mais je m'interroge sur le sens du titre.<br /> "L'aube le soir et la nuit".Dans un premier temps, j'imaginais retrouver la vie de notre Président du matin jusqu'à la nuit. Mais il n'y a pas de virgule entre l'aube et le soir et donc le titre est beaucoup plus équivoque : L'aube le soir...<br /> <br /> Comment le comprenez-vous ?
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