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l'éternité plus un jour
9 septembre 2007

morbidité germanopratine

En littérature, il n'y a pas de mauvais sujet et les tabous sont faits pour être levés. Par surcroît, à l'orée du scandale perce souvent le succès d'édition. C'est un peu comme ça que fut accueilli, sinon "conçu", le dernier prix Goncourt. Au regard de nouvelles pratiques promotionnelles dont il a bénéficié, il est ainsi possible de pondérer la pertinence de son sujet et d'absoudre ceux qui en parlent sans l'avoir lu. Jonathan Littell avait défrayé la chronique en s'étant adjoint les services d'un agent littéraire, une sorte de maquignon des lettres couplé à un avocat d'affaire, capable de faire muter un pavé indigeste et scabreux de 900 pages en monument indispensable de la littérature contemporaine.

Mazarine Pingeot n'a peut-être pas besoin d'agent littéraire et son talent se mesure peut être  à cent coudées de Jonathan Littell. Disons seulement que pour le scandale, elle a su trouver son sujet: "l'infanticide et la conservation du corps". Mais que se passe-t-il dans la part de cerveau disponible de ces nouvelles égéries des lettres. Marie Darrieussecq, une star montante du milieu traite quant à elle "le thème de l'enfant mort". Tandis que Mazarine Pingeot profite de faits divers sordides, à la fois comme source d'inspiration et comme outils promotionnel intensif, nonobstant l'usage perfide de sa maternité - Ségolène Royal avait ouvert la voie de Paris match -, Marie Darrieussecq génère opportunément une controverse avec une de ses consoeurs qui l'accuse de "plagiat psychique": une guerre dans un verre d'eau de seltz à la terrasse du Flore si n'était, dans les deux cas, l'exposition inutile, inconvenante et maladroite d'un vertige de douleur et d'offense sous prétexte de littérature.

La liberté créatrice est un sacrement inviolable. Pas question de la remettre en cause pour quiconque, y compris pour Mazarine Pingeot. De même, l'ignominie humaine comme la souffrance mentale la plus personnelle et la plus douloureuse peuvent servir de transmutation du réel en fiction et justifier le rôle éminent du romancier dans la société. Après tout, hermétique aux jugements bienpensants de son temps, Gustave Flaubert aurait-il pu, lui aussi, faire de Véronique Courjault, une Madame Bovary du XXIème siècle et cent ans après on crierait encore au génie.

Il n'empêche qu'on reste interloqué par la puissance que certaines trentenaires normaliennes et agrégées développent devant l'écritoire pour féconder leur imagination narrative et élever au plus haut l'idée qu'elles se font de leur ambition littéraire. "Et je pense que la littérature, c'est justement d'aller dans l'inconcevable. Que les mots sont des outils qui permettent de donner du sens à ce qui apparemment n'en a pas. J'aime explorer ces voie-là. Lever les tabous". C'est ce que Mazarine Pingeot, sans doute alanguie sur son lit de parturiente, a déclaré à la question de la journaliste de Elle posée sur le ton offusqué d'une dame patronnesse: "Mais vous n’étiez quand même pas enceinte lorsque vous avez écrit ?"

Dans une ultime explication de son indignation venant nourrir la promotion du livre de Marie Darrieussecq, Camille Laurens confirme: "oui, je suis indignée qu'on fabrique un suspens avec la mort d'un enfant, qu'on fasse de la souffrance un exercice de style, qu'on m'emprunte des phrases écrites dans la douleur pour nourrir et vendre une fiction."

Le seul regret de ne pas lire les livres de Mazarine Pingeot er de Marie Darrieussecq, c'est de se priver d'en dire du mal.

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