Reniement
En politique, la rectitude de la pensée confine à l'excellence inatteignable. Il est vain de s'obstiner quand la carrière est en jeu. La beauté d'une idée ou la vertu d'un comportement ne sont rien face à la défaite et la disgrâce.
Pendant dix ans, Arnaud Montebourg, jeune lion socialiste au talent patiné d'art oratoire, a défendu une posture au parfum d'intégrité, sinon d'intégrisme: être l'homme d'un mandat et d'un seul. Se poser en représentant du peuple à l'Assemblée nationale était, selon lui, incompatible, parce qu'archaïque, avec une prébende locale.
Face à la désaffection des citoyens pour l'élite politique et ses cumulards qui préemptent les postes pour mieux s'asseoir sur la volonté du peuple, certains ont cru bon de défendre l'alibi du mandat unique pour retrouver la bienveillance électorale.
Le fait d'avoir frôler de près la chute lors des dernières législatives lui a fait prendre conscience de la fragilité stupide de sa posture. Arnaud Montebourg se renie donc. Il sera candidat aux élections cantonales du mois de mars dans l'espoir d'accéder à la Présidence du Conseil général de Saône-et-Loire. Peut-on lui en vouloir? Non.
D'abord parce que l'élu de la Bresse reste malgré tout une personnalité intéressante du paysage politique. Ses qualités d'orateur, son sens du verbe et de la formule donnent un tonus salutaire à ses prises de position aussi excessives puissent-elles être. Il pimente le débat public rappelant que la politique est aussi un spectacle dans lequel l'affrontement s'apprécie de la manière dont les idées sont exprimées et les convictions défendues. L'éloquence des avocats fait d'ailleurs un retour en force à face la compétence des énarques.
Ensuite parce qu'Arnaud Montebourg possède les qualités essentielles du politicien carriériste atteint au plus profond de lui même par la certitude d'avoir un chemin tracé au delà des vicissitudes du temps. Il a l'ego surdimensionné. C'est d'ailleurs fort utile pour éviter des introspections douloureuses lorsqu'on change d'avis. De même, il est blindé de mauvaise foi. Avec un caractère bien trempé, il se repait de duels sans égard ni estime pour ses adversaires de quelque camp qu'il soit. Après François Hollande, identifié il y a près d'un an comme le pire défaut de la candidate socialiste à l'élection présidentielle, Rachida Dati a récemment fait les frais de ses réquisitoires outranciers. Qu'il y accède et l'ambiance feutrée d'un exécutif local devrait lui permettre de modérer ses jugements péremptoires, d'apaiser sa fougue vindicative et de soigner son mauvais esprit.
Enfin parce que la défense du mandat unique est tout simplement ridicule. Il s'agit d'une posture électoraliste utilisée par celles et ceux qui n'ont que leur bonne mine à présenter aux électeurs. Cette image de l'élu à temps plein dévoué à une seule charge n'a jamais été gage d'efficacité. Ce statut n'a pas grand sens quand le poids politique se mesure à l'enracinement local confirmé par les électeurs. Plutôt que cet appel incongru au non cumul, le vrai courage politique consisterait davantage à faire disparaître les départements, maillage ridicule de notre territoire national à l'heure de l'Europe et d'engager une vague de fusion des 36 000 communes de tel sorte que le nombre d'élus soit réduit.
Arnaud Montebourg se croyait assez solide et se prétendait assez fier pour s'autoriser la hauteur de vue qui sied aux élus "hors sol". Il se trompait.