La victoire inutile du PS
La victoire arithmétique du Parti socialiste aux élections municipales ne pourra pas masquer la vacuité déconcertante de sa stratégie et l'incertitude de son orientation. Il y avait quelques semaines déjà, le député socialiste de Paris, Jean-Christophe Cambadélis résumait le problème en craignant que le Ps se retrouve trop faible pour envisager de gouverner et trop fort pour se remettre en question.
Depuis l'élection présidentielle de 2002 et le coup de tonnerre provoqué par l'éviction de leur candidat dès le 1er tour, les socialistes ont reporté sine die le choix de leurs alliances à la mesure de leur visée hégémonique sur l'opposition. En six ans, les opportunités n'ont pourtant manqué pour clarifier la situation. Las, le Parti socialiste a préféré se laisser endormir par son Premier secrétaire soucieux de s'en tenir au plus petit commun dénominateur commun d'une famille dépourvue d'unité comme jamais. Retarder le choix des alliances n'est pas le signe d'un grand dessein pour demain. En même temps, le dénouement calamiteux de l'aventure gouvernementale de la "gauche plurielle" (de 1997 à 2002) a un peu plombé les velléités en la matière.
François Hollande a du talent pour composer et arrondir les angles. Curieusement, il arrange tout le monde sans plaire à personne. Il donne l'impression de faire don de lui-même pour couvrir la béance dans laquelle s'enfonce le parti.
Face à sa pusillanimité, Ségolène Royal a eu le courage d'afficher clairement un positionnement dès l'élection présidentielle de 2007, et de s'y tenir: "Bien sûr, il faut faire partout des alliances avec le Modem, vous connaissez ma position très claire sur ce sujet" a-t-elle déclaré dimanche soir. De fait son assertivité jure avec la subtile ambiguïté de François Hollande qui déclare de son côté: "Aujourd'hui, nous ne sommes pas dans une stratégie d'alliance [avec le Modem]."
Cette divergence n'est pas juste la scène d'un ménage qui n'est plus. Il s'agit surtout d'une différence de vision dans la distance qu'on y met. Nourrie de son expérience de 2007 et forte de son statut exclusif de candidate à une élection présidentielle, Ségolène Royal est déjà tournée vers 2012. Elle sait que François Bayrou sera le principal concurrent du représentant du PS. Or si le Modem obtient aujourd'hui des scores faibles, il incarne avant tout le positionnement solitaire, et populaire, de son Président. De son côté, son ex-compagnon s'en tient pesamment aux fondamentaux définis par François Mitterrand qui consistaient à rassembler son camps pour ensuite aller au delà. Le hic c'est que d'une part, d'autres temps appellent d'autres moeurs. Aujourd'hui le morcellement des forces de gauche ne se gère pas forcément comme le Parti communiste lorsqu'il culminait à des scores électoraux avoisinnant les 20%. D'autre part, en dix ans passé à la tête du Parti socialiste, François Hollande sera tout juste parvenu à préserver la façade de son unité. C'est déjà beaucoup et en même temps si peu pour celui qui n'a sans doute pas abdiqué son ambition présidentielle.