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l'éternité plus un jour
20 février 2009

Les temps sont durs pour la rupture

Dans le Monde de ce jour, Françoise Fressoz dénonce le recul de Nicolas Sarkozy sur le principe qui l'a fait roi. La rupture, nous dit-elle, n'aurait été qu'un attrape-nigaud pour temps électoraux: "Dans la conquête du pouvoir, la "rupture" avait été l'arme fatale de Nicolas Sarkozy, à la fois contre la gauche et contre son propre camp. Aujourd'hui, elle le menace car elle crée du désordre."

Pour étayer son idée la journaliste prend des exemples contestables. La crise outre-mer souffre plus sûrement d'une incurie des politiques publiques d'assistanat, matinée d'électoralisme, que d'un excès de rupture qui avec un peu d'audace devrait conduire à libérer définitivement nos DOM-TOM du joug colonial de la République française. Ainsi, aujourd'hui que les difficultés s'amoncellent les velléités présidentielles contrariées ramèneraient à l'immobilisme. C'est un peu facile, réducteur et opportuniste en raison d'un climat anxiogène envahissant. Ce n'est pas tant la rupture qui créé du désordre que la dureté des temps et l'impératif de réformes trop longtemps différées.

Personne, autre que Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, n'a mieux pris la mesure de la désespérance populaire dans laquelle les "rois fainéants" ayant précédé l'actuel Président de la République avaient plongé les électeurs. De François Mitterrand et son "sur le chômage on a tout essayé" à la léthargie lénifiante de Jacques Chirac en passant par Lionel Jospin pour qui l'Etat ne pouvait pas tout, les françaises et les français avaient besoin d'un souffle politique nouveau sinon en rupture, du moins en décalage par rapport aux pratiques marcescentes des élites politiques. Nicolas Sarkozy - s'il n'y avait qu'un seul mérite à lui reconnaître ce serait celui-là - a redonné du corps à l'action, à l'engagement et à la volonté politique. Aussi forts soient-ils et quelque soit la qualité de leur incarnation, plutôt talentueuse en l'occurrence, ces éléments s'éprouvent à la force de la conjoncture et aux résistances congénitales de la France.

La crise mondiale est un de ces éléments. Elle frappe comme jamais les économies nationales. Le rôle des Gouvernements consiste moins à la surmonter qu'a en limiter les effets dévastateurs. La refondation du capitalisme est une tâche trop ardue pour un seul homme quand bien même c'est celui qui en défend l'ardente obligation avec la plus grande énergie et la meilleure réactivité.

La fronde des enseignants-chercheurs est l'une de ces résistances congénitales au changement dans notre pays. L'éducation nationale et l'enseignement supérieur constituent un Etat dans l'Etat aux dimensions d'un mammouth capricieux. Des classes maternelles aux laboratoires de recherche du CNRS, c'est la lignée des intouchables. Ils deviennent de plus en plus chatouilleux au fur et à mesure qu'on s'élève dans les hautes sphères doctorantes. Dès que passe le risque d'une remise en cause de leurs avantages acquis, cette élite, bien formée, très organisée notamment grâce au temps libre qu'elle s'octroie généreusement, s'agite, vitupère et défie le pouvoir politique. Avec la révolte des enseignants-chercheurs on touche une fois de plus à l'archaïsme du modèle français bardé de "statuts" et d'avantages acquis.

Face à ces réalités et aux douleurs de la réforme nonobstant sa nécessité, la rupture peut apparaître comme un concept électoraliste dénué de fondement qui finirait par tourner en ridicule l'action du Gouvernement et la magistère du Président de la République. Gouverner la France n'étant pas chose facile, on ne peut exclure que le Sarkozysme termine en pétard mouillé. Vu le niveau de la relève et les enjeux, ce serait la pire des choses.

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