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l'éternité plus un jour
7 janvier 2010

Philippe Séguin 1943-2010

Le coup fut rude ce matin à l'écoute de RTL. Qu'on le veuille ou non, la disparition de Philippe Séguin, dont, comme l'a dit le Premier ministre, "l'aura et la culture s'imposait à tous", laisse un vide qui vient recouvrir trois décennies au cours desquelles cet homme, tout en excès, fut l'une des plus grandes voix de la vie politique nationale.

Les épisodes sont nombreux dans lequel le Premier Président de la Cours des Comptes se sera illustré. Malgré un parcours solitaire et frondeur en référence à la flamme gaulliste qui le faisait briller, il n'aura que rarement travaillé pour lui-même. Et quand ce fut le cas, l'échec était souvent au bout du chemin. Il ne suffit pas d'aimer la France pour se faire aimer des Français. Les moteurs de la séduction sont différents pour défendre l'une et s'adjoindre l'adhésion des autres. Philippe Séguin n'aura pas su forger cet alliage pour les réunir dans un destin que beaucoup lui prêtaient à rebours. Nonobstant ses compétences et son caractère incontrôlable, il eut dû sombrer corps et bien lors de sa défaite pitoyable aux élections municipales de 2001, à Paris. Toujours méfiant à l'égard des écarts détonants des grands fauves blessés, Jacques Chirac préféra en faire le contrôleur suprême des finances publiques. C'est cette image tutélaire qui restera de Philippe Séguin, désormais respecté comme un grand serviteur de l'Etat. Cette masse dans une robe d'hermine s'érigea en censeur gourmand des politiques publiques à jamais trop dispendieuses.

Nicolas Sarkozy, avec lequel l'attelage fonctionna paradoxalement mieux qu'avec d'autres, su dompter ses colères homériques et s'abriter de ses salves généreuses. Car, mieux que ses prédécesseurs, Philippe Séguin donnait le sentiment de produire un brûlot avec chaque rapport de la Cours des Comptes, comme en témoigne encore récemment l'enquête à charge sur la gestion des effectifs de l'Etat. C'est cette humeur en forme d'intransigeance, avec sa façon de donner l'impression de détenir la vérité par des jugements fracassants, qui rendaient Philippe Séguin attirant pour une presse, tant fascinée qu'apeurée par les élucubrations qu'il déversait avec une once de mépris dans un regard torve.

On retiendra deux événements pour l'histoire de cet homme, pupille de la Nation, à qui l'on donnera des funérailles nationales.

La controverse du Traité de Maastricht le révéla comme le légataire universel d'un nationalisme bon teint dont on constate, quelque part, le retour en grâce. François Mitterrand l'adouba comme un adversaire à sa mesure. Philippe Séguin n'en demandait pas tant. Il s'abandonna aux civilités courtoises échangées, quand ils se reniflent, par les hommes politiques qui s'estiment au delà du commun des mortels.

La campagne épique de Jacques Chirac, en 1995, restera comme un autre grand moment de bravoure politique. Par son action, il mit en pratique une belle définition qu'il avait donné du pouvoir: "une lutte permanente contre l'impuissance". Sans nul doute, la mesure et l'ardeur de son talent permirent de détourner l'histoire du cours établi des choses. La vaillance de son combat était malheureusement au service d'un mentor en papier crépon. Il dut le regretter amèrement, montrant par cet épisode brillant, mais elliptique, que cette individualité atypique est demeurée fondue dans une génération perdue.

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