Le début de la fin ?
Derrière les volutes de son havane, le Président du Conseil constitutionnel peut cacher un sourire narquois. Il a de quoi savourer son coup droit en pleine tête de l'exécutif avec la censure de la taxe carbone. Quant à Ségolène Royal, elle pourra opportunément rappeler que son instinct politique l'avait conduit à dénoncer la première le caractère injuste de cette nouvelle contribution écologique qu'elle s'était pourtant engagée à mettre en oeuve en tant que candidate à la présidentielle. Le temps des réformes est-il passé?
Au delà du symbole, la politique se nourrit de revirements conséquents qui infligent au pouvoir le camouflet du changement de pied. On se souvient du passage de l'état de grâce à la rigueur sous François Mitterrand, un an après son élection. Le 9 juin 1982, le chef de l'Etat tient une conférence de presse: "la crise mondiale s'est aggravée [...] le délabrement de l'économie est plus grave que nous ne l'imaginions [...] nous entrons dans la deuxième phase de notre action mais nous gardons les mêmes objectifs [...]. Ceux qui font le tour de France [connaissent] le changement de profil des étapes [...]. Là, c'est la plaine et, là, la montagne". En 1995, il y a le rappel douloureux à l'orthodoxie de l'économie qui devait sonner le glas des prodigalités réparatrices versées par Jacques Chirac pour réduire la fracture sociale. C'était cinq mois après son élection acquise sur un diagnostic brillant et une campagne magnifique. Le 26 octobre, au cours d'une interview télévisée, le Président de la République tourne le dos à "l'autre politique": [la France] a un problème financier. Elle a des déficits. Et donc la priorité c'est la réduction des déficits." Parce que seule la victoire est jolie, on ne peut vivre indéfiniment sur le tempo d'une campagne électorale où les promesses virevoltent comme des papillons exotiques dans un ciel bleuté. Ensemble tout devient possible, mais quand même! Le plus dur arrive lorsque l'on se retourne pour voir que la cohorte des convertis a déserté. Nonobstant un effort réformateur louable et une vista peu commune pour réagir à la brutalité du capitalisme débridé - " Vous m'avez élu pour sortir notre pays de l'immobilisme" - , Nicolas Sarkozy va t-il caler au point qu'on en vient à se demander si les français l'ont jamais aimé.
Ne rien lâcher. C'est la marque de fabrique de Nicolas Sarkozy. Comprendre les erreurs pour tenir sur l'essentiel. On aimerait croire que son message combatif puisse revigorer un peuple qui ne peut plus se laisser bercer d'illusion dans un monde sans égard pour la vieille Europe. 65 millions d'individus contre 6 milliards d'humains sur la terre, et moi et moi et moi,... La peur du déclassement est plus forte chez nos concitoyens que partout ailleurs en Europe. Le Médiateur de la République dépeint une "France fatiguée psychiquement". Avant tout soucieux de stabilité, et dépourvu de courage, les députés voudraient, toute affaire cessante, convertir ce diagnostic en mot d'ordre pour que rien ne bouge. Tout ne se résume pas à des nominations équivoques. Aussi, dans la tourmente d'une crise économique et financière terrible, le Président de la République nous promet encore de tenir: "rien ne serait pire que de changer de cap du tout au tout en cédant à l'agitation propres aux périodes électorales". Au delà de la posture du combattant, le défi pose question. Et si sa succession à lui-même était définitivement un non sujet pour qu'il puisse, en 2012, "aller faire de l'argent"? Pour l'heure il n'y aurait plus rien à perdre qu'à faire preuve de constance. "Les français sont inquiets devant la crise, je dois calmement maintenir le cap", son Premier ministre aussi. Combien seront-ils pour les accompagner?