La peur a changé de camp

En politique l'amitié est un vain mot. On en fait des gorges chaudes sans y croire une seconde. L'ego démesuré des acteurs rend difficile le don de soi quand la quête de chacun tourne autour du "tout pour ma gueule". Pourquoi faire oeuvre de désintérêt au nom de la fidélité et de l'estime portée à un autre quand on est au milieu du gué? Les plus sournois vous diront qu'il y aurait péril à persister dans la mauvaise direction. La lucidité doit savoir être plus forte que l'amitié Mieux encore, c'est au nom de la seconde que la première s'exprime à coups de klaxon. Ceux d'Alain Lambert sont les derniers à parcourir les ondes. Hier l'ancien Ministre du Budget s'affichait, curieusement et furieusement, comme un pilier solide du club des amis de Nicolas Sarkozy; le mariage de la carpe et du lapin avait-on pensé quand ils avançaient bras dessus bras dessous. Ce fut peine perdue pour le notaire de l'Orne qui n'a rien eu de ce qu'il escomptait de la part de l'ami des stars de Neuilly-Sur-Seine. La peur a changé de camp. L'ami de Didier Migaud rumine son aigreur. Trop c'est trop! Il n'y a donc plus rien à craindre à l'ouvrir en grand et s'insérer dans la cohorte des cassandres: "Nicolas Sarkozy n'est pas en situation de faire gagner nos idées en 2012". Dans ce maelstrom tournant, où sont donc les idées d'Alain Lambert?

Forcément lorsqu'on aborde le choix du meilleur, les regards ont la force de l'habitude. Ils obligent à se tourner vers Alain Juppé. Pas besoin de se tourner beaucoup d'ailleurs. Le Maire de Bordeaux est déjà là. Il a, en poche, une "nouvelle offre" et un nouvel ami, Michel Rocard. Toujours droit dans ses bottes, lui qui dit n'y avoir jamais cru devrait comprendre qu'il est moins crédible aujourd'hui que la rupture hier. Pire, il y a un côté pathétique à vouloir venir au secours de la victoire en endossant les oripeaux d'un rad-soc de province. Se référer au chiraquisme, c'est terrible!

Dans le même genre de recyclage à bon compte, le panier du centre frétille à nouveau. Les enfants perdus de l'UDF veulent également croire aux vertus de l'offre dans un marché politique préempté par le seul qui les ait fait gagner. Avec la peur c'est la division qui change de camp. C'est vrai qu'elle a toujours été plus à ses aises à droite, encore que la gauche a bien appris dans ce domaine. Le sens du sacrifice passe toujours par une kyrielle d'amis de trente ans qui se poussent du col au détriment de leur propre famille. On oublie un peu vite pourquoi et par qui l'UMP fut créée. Pour le coup, il y aurait danger à lui substituer des primaires. En outre, n'est ce pas faire preuve de myopie que d'analyser une stratégie présidentielle à l'aune des résultats d'une élection locale? Ces agitations de bas étage ont peu à voir avec le sillon de la réforme. Puisse l'enjeu des retraites qui ne porte pas à conséquence pour l'élite politique d'aujourd'hui mais engage sévèrement les générations futures, ressouder un camp qui après la claque des régionales est follement prête à tendre l'autre joue en 2012.