Le pire c'est la guerre Monsieur!
C'est la réponse dénuée du moindre doute que le Chef de la diplomatie française a lachée pour contrer les velléités nucléaires de l'Iran.
Pourquoi pas? C'est une menace comme une autre sur un dossier chaud qui n'avance pas vite. En même temps, les mots et le ton utilisés par Bernard Kouchner laissent un goût amer. Malgré son attitude bravache et la menace du pire, on ne peut s'empêcher de considérer la position du Ministre des Affaires Etrangères comme un aveu de faiblesse à peine voilé qui engendre une déficience de crédibilité. L'ancien french doctor a fait sa pelote sur l'engagement humanitaire et le droit d'ingérence sur ce prétexte. Paradoxalement, il en usa pour être l'un des rares français à défendre vigoureusement la position des Etats-Unis contre l'Irak en 2003. Cet engagement lui colle à la peau. Hélas, après quatre années de conflit en Irak, tout porte à croire que l'option retenue n'était pas la bonne. Pire. On sait que les fondements de la guerre étaient fictifs. Or, Bernard Kouchner, par une phrase lapidaire, voudrait laisser penser qu'un conflit militaire d'envergure est encore possible au Proche-Orient.
Au moins dans sa gaffe de début d'année qui n'en était pas forcément une, l'ancien Président de la République française avait eu le mérite de renvoyer l'analyse sur le nucléaire iranien au fond du problème. Au cours d'une interview accordée au Nouvel Observateur et à l'International Herald Tribune, Jacques Chirac avait déclaré que le plus grave n'était pas "le risque nucléaire iranien", mais la prolifération et le refus de l'Iran d'accepter les contrôles de l'AIEA (Agence internationale de l'Energie Atomique). De son point de vue, il convenait d'apprécier les intentions iraniennes au regard d'autres ambitions affichées par d'autres Etats. Du point de vue de Bernard Kouchner, ce serait la porte ouverte à la multiplication des conflits. Pour illustrer crûment son idée, Jacques Chirac avait ajouté: "Où l’Iran enverrait-il cette bombe ? Sur Israël ? Elle n’aura pas fait 200 mètres dans l’atmosphère que Téhéran sera rasée." Le lendemain, l'Elysée s'agitait pour édulcorer et polir la pensée présidentielle. Ajoutant aux cris d'orfraie, certains commentateurs avaient évoqué la fatigue du Président pour expliquer son manque d'acuité diplomatique. Pour certains, c'était un argument parfaitement recevable, et intéressé, afin de contribuer à l'écarter davantage d'une nouvelle candidature à sa succession.
Il n'empêche le propos était franc, direct et pas forcément dénué de pertinence. Il avait le mérite d'établir le véritable niveau que devrait atteindre le rapport de force avec les mollahs de Téhéran lorsque l'on parle de nucléaire, c'est à dire de dissuasion. Semblant faire fi du précédent irakien et des nouveaux rapports de force qui couvrent désormais la poudrière Moyen-Orientale, du Liban jusqu'à la bande de Gaza en passant par Bagdad, le chef de la diplomatie française a semblé vouloir en rester au niveau d'une interprétation rugueuse des relations entre l'Orient et l'Occident, réduites à une guerre conventionnelle improbable. Même s'il a reconnu qu'en Irak, l'Iran faisait ce qu'il veut, Bernard Kouchner laisse ainsi penser - sciemment? - qu'on peut occulter les responsabilités de la politique américaine récente quant au risque accru dans cette partie du monde. C'est de ce genre de position jusqu'au-boutistes, dominatrices et moralisatrices que se nourrissent la désespérance et le fondamentalisme de peuples qui trouvent aujourd'hui leur salut dans le clash inéluctable des civilisations alors que les occidentaux en sont encore à conjecturer sur la pertinence de ce concept.