Elle contre tous
Ils peuvent éructer du plus profond de leurs estomacs, la désavouer solennellement dans ses tentatives d'alliance téléphonées et continuer à vitupérer sournoisement contre ses compétences, les éléphants du Parti socialiste n'ont plus beaucoup de chemin à faire pour se rendre en cohorte au cimetière.
Sur eux, les Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius et autre Bertrand Delanoë, elle dispose du seul avantage comparatif qui compte pour l'avenir. Elle seule porte le titre d'ancienne candidate à une élection présidentielle. C'est là qu'elle puise sa force. Que pèse les courants internes du PS contre la plus haute onction électorale quant bien même, elle a conduit à la défaite? On peut rire du fait qu'elle se refuse à employer le mot, mais c'est qu'au fond d'elle même elle est certaine d'avoir obtenu une victoire. Quelques jours avant le 1er tour de l'élection présidentielle, certains caciques du Parti socialistes s'alarmaient même d'une éventuelle absence de leur candidat au second tour. Le Parti bruissait de mille rumeurs. Au regard de sombres prédictions, elle aura plutôt bien supporté l'adversité et dominé vaillamment les coups bas venus de son propre camp.
Pendant que Dominique Strauss-Kahn est empêtré dans un second tour difficile face à un produit marketing à l'estampille douteuse "vu à la télé", et que Laurent Fabius est aussi sur son terrain électoral pour rester député, elle est libérée de ces contingences. Ainsi, c'est elle qui fait la tournée des candidats pour le second tour, car c'est elle qu'ils veulent. De ce tour de France qui l'a fait virevolter d'apparitions en apparitions, de la Bresse à l'Aquitaine en passant par la capitale, elle retrouve son statut d'icône. Elle devrait pouvoir s'approprier le prévisible sursaut de mobilisation attendu dimanche prochain en raison du fort taux d'abstention constaté dimanche dernier.
On peut dénoncer la mauvaise foi de Ségolène Royal qui l'entraîne dans des mauvaises colères. On peut gloser sur son approximation et voir en elle le cynisme des meilleurs. Elle a certainement beaucoup de défaut qui inspire l'aversion plutôt que l'adhésion. En revanche, le culot rare dont elle fait preuve, interpelle. De même, on aurait tort de minimiser son sens politique et de sous-estimer sa détermination à faire carrière contre vents et marées. "Si on gagne, on ne s'arrête plus. Si on perd, on continue". Ségolène Royal est lancée. L'élection présidentielle est un graal qui se conquiert avec le temps. A l'école Mitterrandienne, elle a dépassé tous ses petits camarades.
Outre son statut de "présidentiable" acquis par l'épreuve aventureuse et symbolique d'une campagne initiatique, Ségolène Royal incarne le renouvellement et la féminité. Il s'agit d'attentes fortes au sein de la société comme du Parti socialiste. Quand Manuel Valls se hausse du col, il jacte après François Hollande pas contre sa compagne. Quand Malek Boutih veut se dédouaner à bon compte de son échec personnel, c'est sur le Premier secrétaire qu'il tape dur, pas sur la candidate aux 16 790 440 voix à l'élection présidentielle. Quant aux éventuels repêchés de la dernière heure, Julien Dray, Vincent Peillon ou Arnaud Montebourg, ils n'attendent que de pouvoir en découdre une bonne fois pour toute et faire feu sur le quartier général.
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