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l'éternité plus un jour
4 juin 2011

M. le Président, Franz-Olivier Giesbert, Flammarion, 283 pages, 19,90 €

9782081259539Comme tout le monde, Franz-Olivier Giesbert vieillit! Non pas qu'il ait perdu de son mordant et de sa cruauté. On lit avec un certain plaisir sa succession de saynètes qui sont autant de petites misères compilées par le temps pour faire un amalgame vachard. Le style à la mitraillette pousse à tourner les pages, mais l'obsolescence est ailleurs. Elle se trouve dans l'essence même du journalisme et dans les faits qu'il est censé rapporter pour nous éclairer.

Avec son dernier livre, Franz-Olivier Giesbert ne nous apprend rien! Comme la plupart de ses congénères, il est sec sur le sujet qu'il traite, dépassé par la transparence démesurée affichée par Nicolas Sarkozy, d'abord comme candidat - on revient toujours à cette campagne du feu de Dieu de 2007 -, comme Président ensuite, même si les choses ont tendance à changer un peu. Comme il l'a dit du métier de Ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy a tué le job d'échotier. Pour qui a un oeil curieux sur la vie publique de la France et celle du Chef de l'Etat, la lecture de M. le Président ne révêlera pas grand chose: "Il est possible que Cécilia ait aussi voulu fuir son entourage en fuyant son mari" ou "Voilà bien la faute originelle de la République Sarkozyenne: s'être laissé marquer, dès son avénement, par le fer rouge de la Ploutocratie". Pour innover, l'auteur en est déséspérement réduit à évoquer ses propres déboires conjugaux - instant partagé d'une fragilité machiste ? - dont tout le monde se fout, ou à se mettre en scène pour mieux faire croire à la cruauté de l'homme-enfant le comparant à un cloporte qu'on écrase nerveusement avec le talon compensé d'une chaussure.

La faiblesse du réquisitoire ramène au problème de la connivence partagée entre plumitifs et politiques. Le sujet est à nouveau brûlant avec de supposées histoires de moeurs qui s'égaillent dans la presse. Diffcile de dire si Nicolas Sarkozy est le maître d'oeuvre de ses rapports qui vont jusqu'à poser un cas de conscience à certains. Ce serait exagéré de lui faire porter cette responsabilité. En même temps, l'ancien Ministre de l'intérieur a mieux que d'autres exploité l'instinct grégaire et velléitaire des journalistes politiques. En poussant loin les relations et l'empathie, il a provoqué la facilité d'une profession qui préfère se satisfaire d'une révélation "fuitée" lors d'une déjeuner sous les lambris dorés des palais de la République ou des échanges doucereux à l'arrière d'un jet privé plutôt que d'aller chercher l'information par un long et âpre travail d'investigation. En les traitant à la fois sans ménagement et avec aménité, avec une certaine rudesse et des moments d'intimité privilégiée, Nicolas Sarkozy a destabilisé la profession. Elle n'avait pas besoin de ça pour abîmer sa crédibilité.

A force d'avoir tout dit et tout montré jusqu'à devoir en souffrir au plus profond de lui-même -on ne sort pas indemme de ces déballages même une fois entré à l'Elysée -, Nicolas Sarkozy a tari la source des scoops. Certains confrères de Franz-Olivier Giesbert en sont réduits à racler leurs fonds de carnets sans distinguer le in du off. On comprend mieux alors pourquoi ils veulent qu'il parte.

A force d'être gratuitement méchant - "Tel est Sarkozy: vantard et ramenard." ou "Là était sans doute sa grande faille. Cet homme était, du moins à table, une sorte de peine-à-jouir." -, Franz-Olivier Giesbert court jusqu'à l'épuisement. Essouflé d'avoir laché son fiel sur près de 300 pages, il ose se reprendre juste un peu à la fin de l'ouvrage, comme le constat d'une procureur désolé de ne pouvoir infliger la peine maximale au condamné: "Mais bon, contrairement à la légende que j'ai contribué à entretenir, il est tout sauf inculte: quitte à passer définitivement pour un gogo ou un couillon, je dois à la vérité de le reconnaître". M. le Président vaut effectivement mieux pour le jugement à porter sur son auteur que pour les informations données sur Nicolas Sarkozy.

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